Episode 5 • Ma pratique en industrie : de la recherche aux applications, en guidant les padawans • Marina Experience
Nov 26, 2025L’occasion s’est présentée à moi, on m’a proposé une mission au sein du service scientifique et formation du laboratoire de lentilles de contact, le temps de remplacer leur collègue qui étaient en congés maternité. La mission était claire : trouver une stratégie pour accompagner les opticiens au développement de leur pratique de contactologie au sein de leur point de travail, et j’avais carte blanche. J’ai dit : oui !

De la préparation à la mise en application
Je me rappelle encore cette soirée dans une chambre d’hôtel, où j’ai pris feuilles et stylo, et j’ai brainstormé de ouf toute la soirée pour le lendemain matin avoir déjà le projet quasi shadé en tête ; "Mais tu as dormi Marina?" "Ha oui, mais j'étais hyper inspirée!!" 🤣🤣. On aurait dit un enfant dans un bas à sable quoi !
Mais c’était génial, c’était le combo de :
- j’ai été à la place de ces opticiens qui veulent faire de la lentille, mais qui galèrent dans la pratique par manque d’accompagnement
- je dispose d’une expérience pédagogique avec mon statut d’enseignante qui fait que j’ai une palette d’armes pour expliquer comment arriver d’un point A à un point B d’un point de vue technique & clinique
En résumé, je connaissais tous les freins, les points de blocage en tant que praticienne, et je pouvais les aider de par mon expérience clinique et ma pédagogie.
C’est alors qu’est né ce projet d’accompagnement en contactologie, avec déploiement sur le territoire national. Avec l’équipe, on allait en immersion au sein des lieux de pratique une demie-journée, et en pratiquant avec eux sur leur patient, pour les aider à la bonne pratique de la contacto, et apporter des tips techniques. Hyper enrichissant de tous les côtés ! Et j’en ai fait quelques constats personnels, que je vais développer.
Attention je précise bien, c’est MON avis personnel/professionnel !
Méconnaissance du processus d’une prise en charge lentille
Parmi les constats, certains étaient évidents pour moi mais sont devenus flagrants pour les autres. J’avais demandé un niveau licence a minima. Pourtant, sous prétexte que « telle personne fait de la lentille », je me suis retrouvée face à des pros qui, malgré une lampe à fente, ne savaient ni analyser les larmes, ni observer la cornée, ni faire un simple push-up. En 3-4h, impossible d’enseigner « comment faire de la lentille » en partant de zéro. Et pourtant, beaucoup pensent que c’est simple ! Mais non : La contactologie, ce n’est pas une option, c’est un métier.
Un jour, une de mes anciennes étudiantes avait sorti à sa collègue en formation « Mais c’est normal que tu galères ! Tu ne peux pas apprendre en une journée, ce que nous avons appris en 1 an, et qu’on en a chié pendant 1 an ! ». Je peux pas faire meilleure phrase que celle-là 💪
La vérité, c’est qu’il y a deux profils :
- Les formés, qui savent faire mais n’osent pas toujours pratiquer.
- Les non formés, qui osent tout… mais sans conscience des risques.
Résultat : les premiers manquent de confiance, les seconds foncent tête baissée. Et là, j’ai compris les ophtalmologistes : difficile de déléguer quand le terrain est une jungle où cohabitent le meilleur et le pire. Même les délégués commerciaux m’ont dit avoir ouvert les yeux en me suivant : ils voyaient enfin la différence entre « ceux qui se la racontent » et ceux qui ont vraiment besoin d’accompagnement.
On est dans le même pays, mais chaque ville a sa façon de faire
Celui-là, c’est le constat qui m’a le plus bluffé. Parce que je suis sortie de mon Bordeaux ultra-méga-fermé-en-contacto-jamais-tu-touches-une-lentille-sinon-on-t-explose, pour aller voir professionnellement comment ça se passe dans les 4 coins de France : Lille, Reims, le Sud-Est, la bretagne, bref partout partout.
J’ai donc découvert, qu’avec la même réglementation française, il y a des endroits en France où la délégation en contactologie, mais elle est HYPER OUVERTE ! Je vous parle de ça, on était en 2014/2015. Mais j’ai été choquée de voir « mais quoi, vous pouvez faire ça ça et ça ? Mais vous avez une chance en or d’avoir un professionnel qui délègue avec cette confiance ! ». Ils avaient carte blanche, et en appliquant un protocole carré, c’est la porte ouverte au développement de la contactologie ! Bon, le protocole carré, ils ne l’avaient pas par contre, mais pas grave, ça s’apprend !
Donc moi, j’étais personnellement en train de bouillonner, en me disant que je galère comme pas deux sur Bordeaux avec mes ophtalmologistes fermés de ouf sur la contactologie, donc j’envisageais 2 solutions :
- Soit je pars dans un endroit de France + intelligent
- Soit je décidais de foncer dans le tas à Bordeaux, et secouer quelques cocotiers 🌴
L’avenir montre que j’ai pris la 2ème option 🌴🌴🌴🌴🌴
C’est une période de transition en France, avec la création de l’AFELC
L’AFELC (Association des Experts en Lentilles de Contact) est née dans la même période. Pas de hasard, la période a voulu que nous avions des personnalités qui voulaient faire bouger les choses en France de la même manière que partout dans le monde, et toutes les stratégies possibles ont été déployées. Le but était de rassembler des professionnels qualifiés en lentilles de contact pour répondre à deux attentes du terrain :
- Aider l’ophtalmologiste à déléguer certains actes de contactologie à des professionnels qualifiés en qui il peut avoir confiance
- Aider le porteur lentille à trouver un professionnel qualifié en lentilles de contact, pour lui éviter d’être perdu dans la jungle
Ayant vécu des mois enrichissants sur le terrains à voir de tout, l’AFELC était une évidence pour moi, j’ai donc participé à sa création et à son déploiement, j’y reviendrai dans l'épisode 8 !
La science au cœur des laboratoires lentilles
En parallèle des missions terrain, nous menions aussi des recherches scientifiques. L’objectif : identifier et compiler des articles permettant d’appuyer nos arguments. Car non, lorsqu’un laboratoire avance quelque chose, ce n’est pas “juste du marketing”. Les dispositifs médicaux sont parmi les produits les plus réglementés : chaque affirmation doit reposer sur une preuve scientifique solide.
En fait, lorsqu’on affirme que les larmes adhèrent mieux sur la lentille A que sur la lentille B, c’est qu’une batterie d’études a été consultée, confrontée, pour en sortir quelque chose d'exploitable en pratique clinique. Des heures passées à analyser la littérature scientifique permettent de comprendre réellement les performances des lentilles, et de déterminer quel matériau sera le plus adapté en fonction des caractéristiques de la surface oculaire et du film lacrymal.
La contactologie, ce n’est pas “poser une lentille et basta”. C’est une pratique rigoureuse qui combine anamnèse, observation clinique et choix scientifique du matériau. Notre métier est à la fois technique… et profondément scientifique.
Pour conclure, travailler en industrie m’a apporté autant sur le plan pratique que scientifique et stratégique. J’ai compris que pendant qu’on pratique, d’autres pilotent et orientent tout le terrain.
Si vous avez un jour l’occasion de passer par un labo : allez-y. C’est une immersion qui transforme votre vision de la contactologie.